BILAN DE LA SOCIÉTÉ OCTAVE MIRBEAU

 
 
20 ans déjà !

Il y a vingt ans, le 28 novembre 1993, était fondéée, à la Bibliothèque Municipale d’Angers, la Société Octave Mirbeau, association littéraire loi 1901. Alors a commencé une aventure incertaine, heureusement couronnée d’un succès qui a dépassé toutes nos espérances. Il est loisible aujourd’hui, à cette distance respectable de l’événement fondateur, d’en présenter un premier bilan objectif. Force est de reconnaître, sans fausse modestie, qu’il est impressionnant.

Une association dynamique et conviviale

Il convient tout d’abord de noter les caractéristiques propres à notre Société, à son organisation et à son fonctionnement.
* Une première spécificité de notre Société est qu’elle a développé ses activités dans une atmosphère de convivialité qui n’est pas si fréquente et qu’elle n’a connu aucune crise ni souffert d’aucune de ces querelles internes qui ont empoisonné, parfois mis à mort, d’autres associations du même type.
* Une deuxième spécificité est que, à l’occasion de toutes les Assemblées Générales annuelles et statutaires, nous avons réussi le tour de force d’offrir à nos adhérents, en même temps qu’au grand public, un spectacle Mirbeau, avec le concours de troupes venues de toute la France (et même, une année, de Belgique).
* Une troisième spécificité est la cohabitation harmonieuse entre universitaires et non-universitaires, entre un noyau angevin stable et des adhérents éparpillés à travers la France et bien au-delà de nos frontières. Certes, la composition du Conseil d’Administration a connu des changements et le nombre de nos adhérents a fluctué, comme c’est inévitable sur une aussi longue période, mais les nombreux décès, le vieillissement de nos adhérents et les départs ont toujours été compensés par de nouvelles adhésions, de sorte que le nombre total de cotisants s’est stabilisé autour de 175 ces dernières années, après avoir démarré à 103 en 1994 et connu un pic à 193 en 2009.
* Notre quatrième particularité est que, nonobstant la masse de nos publications et activités, nous n’avons jamais eu de véritables soucis financiers. Ce constat étonnant peut s’expliquer tout à la fois par le bénévolat de tous ceux qui participent à la vie de l’association et collaborent à nos Cahiers, par la qualité de nos productions, que nous arrivons globalement à rentabiliser, par la fidélité de nos cotisants et de nos abonnés institutionnels, par la bonne gestion de nos finances, et par la confiance de nos subventionneurs (CNL, Académie des Sciences, et villes d’Angers, Trévières, Carrières-sous-Poissy, Rémalard et Les Damps).

Cahiers Octave Mirbeau

La première activité d’une société littéraire telle que la nôtre est la production annuelle d’un volume, que nous avons décidé d’appeler Cahiers Octave Mirbeau. Le premier numéro a vu le jour en mai 1994 et le n° 21 sortira en mars 2014. Les vingt premiers numéros sont gros de 320 à 440 pages, ce qui, à l’exception des Cahiers naturalistes, est largement supérieur aux habitudes de nos consœurs : ils constituent déjà un ensemble colossal de 7 400 pages ! Il s’agit de surcroît de beaux volumes, dotés de couvertures attrayantes (avec un dessin ou une photo de Mirbeau qui change à chaque numéro) et très abondamment illustrés.
Comme c’est l’usage dans ce type de publications universitaires, on y trouve, dans une première partie, quantité d’études portant sur l’œuvre littéraire, la production journalistique, la critique d’art ou les engagements de Mirbeau, les unes synthétiques, les autres plus pointues, et toutes sortes d’approches et de points de vue, parfois divergents, ont permis d’embrasser la totalité du personnage et de sa création. Une deuxième partie est consacrée à la publication de documents, textes ou témoignages inédits, fort peu connus, voire insoupçonnés, qui sont présentés, commentés et annotés. Cette partie est d’autant plus importante que Mirbeau a écrit énormément, que sa production journalistique est multiforme et n’a été que partiellement exploitée et que quantité de textes ignorés, signés de son nom ou parus sous divers pseudonymes, ont vu le jour ces dernières années.
Mais ce qui distingue le plus nos Cahiers, ce sont les deux autres parties. La partie bibliographique est exceptionnellement développée (une centaine de pages dans les derniers numéros). Outre une « Bibliographie mirbellienne » qui tente, chaque année, de recenser tous les articles, en toutes langues, ayant peu ou prou trait à Mirbeau, elle comporte des recensions de nombre de volumes sans rapport direct avec lui, mais traitant de l’époque, ou d’autres écrivains, contemporains ou postérieurs, et dénote notre volonté d’ouverture. Quant à la partie « Témoignages  », elle vise à fournir à nos lecteurs des textes n’obéissant pas aux critères universitaires en usage et qui permettent à des personnalités diverses (écrivains, acteurs, metteurs en scène, artistes, simples amateurs) d’exprimer, en toute liberté, et sous la forme qui leur semple la plus propice, leur perception de Mirbeau et de son œuvre. Cet ensemble de témoignages témoigne aussi de notre volonté d’élargir notre public et de ne pas nous cantonner au discours de type universitaire : Mirbeau est et doit continuer d’être un auteur susceptible de toucher un vaste lectorat.

Publications

Outre les Cahiers Octave Mirbeau, la Société Mirbeau a publié, seule ou en co-édition avec les Éditions Buchet-Chastel, les Presses de l’Université d’Angers, les Éditions du Boucher et l’Age d’Homme, une quinzaine d’autres volumes, dont plusieurs très épais, qui ont représenté un énorme engagement financier. Nous sommes probablement la seule association littéraire à s’être permis ce luxe éditorial :
* Octave Mirbeau, Premières chroniques esthétiques (1995).
* Octave Mirbeau (1998, réédition 2000), brochure de 48 pages comportant le texte et les illustrations de l’exposition itinérante.
* Octave Mirbeau, Œuvre romanesque, trois volumes de 4 000 pages (2000-2001), édition critique réalisée par Pierre Michel.
* Pierre Michel, Lucidité, désespoir et écriture (2001).
* Claude Herzfeld, L’Imaginaire d’Octave Mirbeau (2001).
* Octave Mirbeau, Œuvre romanesque, Éditions du Boucher, deux volumes de 2 693 et 1 243 pages (2003-2004), avec de nouvelles préfaces de Pierre Michel.
* Octave Mirbeau, Combats littéraires (2005).
* Octave Mirbeau, Correspondance générale, trois volumes d’un total de près de 4000 pages (2003 – 2006 – 2009).
* Kinda Mubaideen et Lolo, Aller simple pour l’Octavie (2007).
* Yannick Lemarié et Pierre Michel (sous la direction de), Dictionnaire Octave Mirbeau (2011), 1200 pages.

Mirbeau sur Internet

La Société Mirbeau a également réalisé un énorme travail sur Internet, où l’écrivain est à coup sûr un des écrivains français les mieux servis.
* Grâce à nos deux webmasters successifs, Fabien Soldà et Michel Ardouin, nous disposons d’un site web et d’un portail multilingues abondamment illustrés, constamment mis à jour et bien fréquentés. Ils comportent quantité de brèves synthèses sur la vie, l’œuvre et les combats de Mirbeau et disposent de pages propres en une vingtaine de langues, ce qui est, je pense, tout à fait unique. Dans la partie « Études » du site principal et dans les pages en langues étrangères du portail et du site principal, on trouve plus de 800 liens conduisant à des articles et à des études en une trentaine de langues, accessibles gratuitement en ligne, ce qui est également tout à fait exceptionnel.
* Tout aussi exceptionnel est le Dictionnaire Octave Mirbeau, qui n’existe pas seulement sous la forme papier, en co-édition avec l’Age d’Homme, mais aussi en version électronique en accès libre et gratuit. Gros de 1 500 notices, il a reçu la bagatelle de 350 000 visites en trente-trois mois, à raison de 250 par jour pendant les deux premières années, moyenne montée à quelque 350 visites quotidiennes depuis trois mois. Par rapport au volume papier, la version en ligne présente l’avantage de permettre, par un simple clic, d’accéder directement aux textes évoqués dans la notice ou aux études citées dans les bibliographies. Il constitue un outil de recherche et de réflexion extrêmement précieux, non seulement pour les mirbeauphiles et les chercheurs, mais, au-delà, pour tous ceux qui s’intéressent à la littérature, à l’histoire, à l’art et à la philosophie.
* Énorme travail également sur Wikipedia, l’encyclopédie internationale du Net, qui présente le très grand intérêt d’être l’outil le plus utilisé par le grand public à la recherche d’informations, en quelque langue que ce soit. Là aussi Mirbeau est un des auteurs les mieux lotis : il dispose de notices en 121 langues, dont une trentaine sont substantielles, ses œuvres ont droit à 199 notices en 31 langues, ses personnages à 44 notices en quatre langues, auxquelles il convient d’ajouter 19 notices “para-mirbelliennes”, soit en tout 383 notices. À côté de Wikipedia existent d’autres ressources considérables fournies par Wikimedia (ytès abondant répertoire d’images), Wikiquotes (très nombreuses citations de Mirbeau en sept langues, y compris l’hébreu), et surtout Wikisource  : presque toute l’œuvre littéraire de Mirbeau, qui se trouve dans le domaine public, y est en accès libre, ainsi qu’un grand nombre de contes, de dialogues et d’articles, qui ont fourni la matière d’un énorme volume de La Bibliothèque Digitale. Pour ce qui est de l’œuvre romanesque, elle est surtout accessible sur le site des Éditions du Boucher, mais aussi sur Scribd, sur Google Books, et d’autres sites encore, ce qui garantit un nombre élevé de lecteurs.
* Sur Scribd ont été mis en ligne, par nos soins, environ 1 200 textes et œuvres littéraires de Mirbeau et articles sur lui, en trente langues, qui s’ajoutent aux textes de Mirbeau mises en ligne par d’autres internautes. Le total cumulé des visites approche 1 400 000…
Grâce aux Éditions du Boucher, à Wikisource et à Scribd, qui mettent une énorme quantité de textes et d’œuvres à la portée du plus grand nombre, on a vu se multiplier, depuis quelques années, les lectures à haute voix d’œuvres intégrales (notamment sur Littérature Audio), les adaptations théâtrales, les rééditions en français (en livres papier et en livres numériques) et les traductions en toutes sortes de langues, autant de symptômes d’une reconnaissance qui, pour être tardive, n’en a que plus de prix.

Colloques et autres activités

* Dès 1995, avec les moyens du bord, nous avons réalisé une exposition didactique itinérante, composée de trente-deux panneaux abondamment illustrés, et qui a circulé à travers la France pendant une dizaine d’années.
* La Société Octave Mirbeau a organisé deux colloques internationaux, l’un à Caen, en 1996, l’autre à Angers, en 2000, et a pris l’initiative d’un troisième colloque, qui a eu lieu à Strasbourg en 2007, à l’occasion du centième anniversaire de la publication de La 628-E8, et dont les Actes ont été également publiés. C’est à l’initiative d’un de nos adhérents qu’a eu lieu, en 2005, un colloque Mirbeau à Cerisy, donnant lieu à la publication des Actes, et à celle d’une de nos adhérentes d’outre-Atlantique que se tient tous les ans, dans les Rocheuses, une session Mirbeau, dans le cadre des rencontres annuelles de la RMMLA (Rocky Mountains Modern Language Association). Mirbeau a été également présent dans quantité de colloques sur toutes sortes de sujets, qui se sont tenus, principalement en France, mais aussi à l’étranger (Pologne, Italie, Serbie, Roumanie, Liban, États-Unis), et qui souvent étaient organisés par des membres de notre Société.
* Un grand nombre de conférences sur Mirbeau, en tant que romancier, dramaturge, critique d’art ou intellectuel engagé, ont été données bénévolement à travers la France et à l’étranger (Hongrie, Pologne, Italie, Belgique, Serbie, Allemagne, Pays-Bas, Canada, États-Unis et prochainement Espagne).
* La Société Octave Mirbeau a constitué, à ses frais et grâce à son travail, un Fonds Mirbeau à la Bibliothèque Universitaire d’Angers. Ce Fonds comporte, d’une part, une grande quantité d’œuvres de Mirbeau publiées en volume en près de trente langues, et, d’autre part, une masse d’articles, dont une partie seulement est accessible en ligne. Malheureusement, faute de personnel pour actualiser le Fonds, de nombreux documents accumulés depuis huit ans n’ont pas encore été classés et le catalogue, accessible en ligne (pdf), n’a pas été mis à jour depuis des années.

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De tout cet énorme travail réalisé par la Société Octave Mirbeau et ses adhérents à travers le vaste monde, il résulte, non seulement que nous avons considérablement accru le nombre de ses lecteurs et mis à jour une part importante de sa production longtemps restée dans l’ombre ou totalement inconnue, mais aussi, et peut-être surtout, que nous avons radicalement modifié l’image de marque de l’écrivain et le regard jeté sur son œuvre par les historiens de la littérature et les critiques littéraires de ces dernières décennies, que leurs œillères empêchaient trop souvent de comprendre un auteur échappant à toute entreprise classificatoire. Force est maintenant de reconnaître la place éminente qu’il occupe dans l’évolution des genres littéraires et le rôle qu’il a joué dans l’histoire de l’art et dans l’engagement des intellectuels.
Voici enfin Octave Mirbeau remis à une plus juste place, non plus celle d’un écrivain de deuxième rayon, mais bien une des toutes premières de notre littérature.

Pierre MICHEL
Président de la Société Octave Mirbeau

à télécharger : Dossier de la commémoration du 100e anniversaire de la mort d'Octave Mirbeau en 2017

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